Tiré du livre de Maria Valtorta
Leçons sur l'Epître de Saint Paul aux Romains
LEÇON N°23 - Romains 7, 14-25
Impuissance de la Loi dans la lutte entre la chair et l'esprit
14 Nous savons en effet que la Loi est spirituelle; mais moi je suis
charnel, vendu et sujet du péché. 15 Je ne sais pas ce que je fais: je ne fais
pas le bien que je veux, mais le mal que je déteste. 16 Or, si je fais ce que
je ne voudrais pas, je reconnais par-là que la Loi est bonne. 17 Mais alors ce
n'est plus moi qui opère mais le péché qui m'habite.
18 Car je sais que le bien n'habite pas en moi, dans ma chair. J'ai bien la
volonté de faire le bien, mais je ne trouve pas le moyen de l'accomplir, 19 car
je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas. 20 Or si je
fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui le fais, c'est le péché qui
habite en moi.
21 Je trouve donc cette loi en moi: quand je veux faire le bien, le mal
seul se présente à moi. 22 En fait je prends plaisirs dans la loi de Dieu, du
point de vue de l'homme intérieur, 23 mais je vois dans mes membres une autre
loi qui lutte contre la loi de ma raison et qui me rend captif de la loi du
péché qui est dans mes membres. 24 Malheureux que je suis! Qui me délivrera de
ce corps qui me voue à la mort? 25 La Grâces de Dieu par notre Seigneur
Jésus-Christ. Ainsi donc moi-même alors que par l'esprit je suis esclave de la
Loi de Dieu, par la chair (je le suis) de la loi du péché.
Le Doux Hôte me dit:
"Pour bien comprendre les paroles de Paul, il faut considérer
attentivement le Péché originel (Gn3 Rm5).
Cette leçon a été donnée bien des fois, mais jamais trop de fois, car la
réalité douloureuse du péché originel et de ses conséquences sont souvent niées
ou remises en doute par beaucoup, par trop de gens. Parmi eux, il y en a qui
devraient être bien plus convaincus que les autres de la réalité du péché
originel et de ses conséquences. En effet, leurs études, et surtout les
expériences de leur ministère, leur fournissent continuellement des preuves
tangibles de la décadence de l'homme, qui de créature parfaite qu'il était, à
cause du péché originel s'est transformé en créature faible et imparfaite
exposée aux assauts de Satan et aux dangers extérieurs et intérieurs. L'homme
est une merveilleuse œuvre de la création que l'Ennemi de Dieu a troublée par
jalousie.
Certains diront: "Leçon cent fois répétée, donc inutile". Elle
est toujours utile puisque, au moment du besoin, vous ne la savez jamais assez,
ni pour vous-mêmes, ni pour les autres.
Satan est excessivement intéressé à ce que vous ne sachiez pas cette leçon.
Alors, il obscurcit en vous l'exacte connaissance de cet épisode: C'est pourtant un
épisode qui ne s'est pas terminé le jour de son accomplissement, et dont les
conséquences ne se sont pas arrêtées aux personnes qui l'ont accompli. De même
que tous les hommes ont hérité la vie (l'existence) à partir du sang et de la
semence d'Adam et Eve, de même, ce funeste héritage s'est propagé et se propage
de génération en génération, depuis Adam, premier géniteur, jusqu'au dernier
humain qui va être engendré. Car le dernier homme qui naîtra sur Terre sera
encore de la descendance de vos Premiers Parents.
L'affirmation de Paul représente le regret exprimé par tous ceux qui,
malgré leur volonté vraiment bonne, constatent qu'ils sont incapables de réaliser
le bien avec la perfection voulue. Pour bien comprendre cet aveu, il faut
regarder les conséquences de la première Faute, et donc la première Faute elle
aussi, afin de ne pas trouver injustes la condamnation et ses conséquences.
Voici l'aveu de Paul: "Je suis charnel, vendu et sujet au péché".
Il continue: "Je ne sais pas ce que je fais. Je ne fais pas le bien que je
veux, mais le mal que je déteste. Même si je fais ce que je ne veux pas faire,
je reconnais également que la loi est bonne (en interdisant ou en prescrivant
ce qu'elle interdit ou prescrit). Mais (lorsque je fais le mal que je déteste
avec ma partie la meilleure, tandis que je ne fais pas le bien que je voudrais
faire) à ce moment-là, ce n'est pas moi qui agis, mais le péché qui habite en moi
(...). Dans ma chair n'habite pas le bien (...). Il y a en moi la volonté de
l'accomplir, mais je n'arrive pas à le faire (...). Lorsque je veux faire le
bien, le mal est déjà là, à côté de moi (...). Dans mon être intérieur, je me
réjouis de la Loi de Dieu, mais dans mes membres je trouve une autre loi qui
s'oppose à la loi de ma raison, et me rend esclave de la loi du péché qui est
dans mes membres (...)".
"Je suis charnel"
Adam lui aussi était fait de chair en plus d'être fait d'esprit. Mais il
n'était pas charnel, car son esprit et sa raison dominaient la matière. Son esprit innocent et
plein de Grâce reflétait les traits merveilleux de son Créateur, étant assez
intelligent pour comprendre ce qui existe au-delà du monde naturel. Son
intelligence, déjà très étendue à cause du don préternaturel de science infuse
qui le rendait capable de comprendre toutes les réalités naturelles, avait été
élevée par la Grâce au niveau surnaturel, le rendant capable de comprendre
l'incompréhensible, chose impossible pour ceux qui ne sont pas préparés à cela
par un don surnaturel; capable de pouvoir comprendre Dieu et, en proportion
réduite, de pouvoir être l'image fidèle de Dieu, pour l'ordre, la justice, la
charité, la sagesse et la liberté de tout esclavage avilissant.
Oh! La splendide liberté de l'homme plein de grâce! Dieu lui-même la
respectait, et elle n'était menacée ni par des forces extérieures, ni par des
appétits intérieurs. Royauté sublime de l'homme déifié, fils de Dieu et
héritier du Ciel, royauté de domination sur toutes les créatures! Qui vous
permettait aussi de dominer ce qui maintenant vous tyrannise le plus: votre
moi, où fermentent sans relâche les poisons de la grande blessure!
Quand on dit: "l'homme, roi de la création visible, a été créé avec le
pouvoir d'exercer sa domination sur toutes les créatures", il faudrait
réfléchir à ce que cela signifie. C'est que la Grâce et les autres dons reçus
par l'homme depuis le premier instant de son existence le rendaient capable
d'exercer sa royauté aussi bien sur lui-même que sur sa partie inférieure. En
effet, il avait la connaissance de sa fin dernière, il avait l'amour qui le
poussait naturellement vers cette fin, il avait le contrôle de la matière, et
il avait le contrôle des sens qui fonctionnent à l'intérieur de cette matière.
Uni comme il l'était à l'Ordre, et amoureux de l'Amour, il savait donner à Dieu
ce qui lui revenait, et à son propre moi ce qu'il était permis de lui donner,
sans donner lieu aux désordres des passions ou au débordement des instincts. L'esprit,
l'intelligence et la matière formaient en lui une harmonie globale dont il
avait été gratifié à partir du premier moment de son existence, et qu'il avait
reçu comme un tout déjà constitué, non par étapes successives comme certains le
prétendent.
Il n'y a pas eu d'auto genèse, il n'y a pas eu d'évolution. Il y a eu
simplement la Création voulue par le Créateur. Votre raison, dont vous êtes si
orgueilleux, devrait suffire à vous convaincre qu'à partir de rien, on ne peut
former quelque chose d'initial, et qu'à partir d'une chose initiale unique, on
ne peut former le tout.
Dieu seul peut mettre de l'ordre dans le chaos et le peupler d'innombrables
créatures qui forment la Création. Ce Créateur très puissant n'a pas eu de
limites dans ses actes créatifs, qui ont été multiples. Pas de limites non plus
dans la création de créatures déjà parfaites, parfaites selon le but pour
lequel chacune d'elles a été conçue. Voilà une sottise que de croire que
Dieu, après avoir décidé de se donner une Création, ait pu faire des choses
informes ou incomplètes, et attendre d'en être glorifié seulement à la fin du
cycle évolutif, lorsque chaque créature, et toutes les créatures ensemble,
auraient atteint la perfection de leur nature, en devenant enfin aptes à
satisfaire le but naturel ou surnaturel pour lequel elles auraient été créées.
De même qu'une telle théorie ne peut s'appliquer aux créatures inférieures,
dont le but naturel est situé à l'intérieur d'un espace de temps limité, de
même et à plus forte raison elle ne peut s'appliquer à l'homme, créé dans un
but surnaturel et destiné à la gloire du Ciel. Pourrait-on seulement imaginer un
Paradis dont les légions de Saints glorifiant Dieu autour de son trône seraient
le produit dernier d'une longue évolution de bêtes sauvages?
L'homme actuel n'est pas le résultat d'une évolution qui monte, mais le
résultat douloureux d'une évolution qui descend, car la faute d'Adam a entamé
pour toujours la perfection physique, morale et spirituelle de l'homme initial.
La blessure a été tellement grave que même la Passion de Jésus-Christ, qui
pourtant redonne la vie de la Grâce à tous les baptisés, ne peut effacer les
résidus de la faute, les cicatrices de la grande blessure, c'est à dire les
mauvais appétits qui sont la ruine de ceux qui n'aiment pas Dieu, ou très peu,
et qui sont le tourment des justes qui ne voudraient pas se sentir attirés par
la voix de ces appétits, et qui luttent de façon héroïque, et pendant toute
leur vie, pour gagner cette bataille et demeurer fidèles au Seigneur.
L'homme n'est pas le résultat d'une évolution, de même que la Création
n'est pas le produit d'une auto genèse. Une évolution suppose toujours une
première source créative. De plus, penser que les innombrables espèces
existantes puissent dériver d'une seule cellule auto engendrée, est un pur
absurde.
Pour vivre, la cellule a besoin d'un milieu fertile, pourvu d'éléments qui
permettent et maintiennent la vie. Si la cellule s'est auto engendrée à partir
de rien, où a-t-elle trouvé les éléments pour se former, vivre et se
reproduire? Si elle n'existait pas encore lorsqu'elle a commencé à être,
comment a telle trouvé les éléments vitaux: l'air, la lumière, la chaleur,
l'eau? Ce qui n'existe pas encore ne peut pas créer. Alors, comment la cellule aurait-elle
trouvé les quatre éléments déjà prêts à la recevoir au moment de sa formation?
Qui lui aurait donné le germe qui s'appelle "la vie"? Quelle source?
Même si, par hypothèse, on voulait admettre que ce non existant se soit formé à
partir de rien, de quelle façon à partir de son unité et de son espèce unique, aurait-il
pu produire toutes les variétés d'espèces qu'on retrouve dans la Création
visible?
Astres et planètes, mottes de terre, rochers, minéraux, les multiples et
différentes qualités du règne végétal, les différentes espèces et familles du
règne animal, encore plus nombreuses et variées que celles du règne végétal...
Des invertébrés aux vertébrés, des mammifères aux ovipares, des quadrupèdes aux
quadrumanes, des amphibies et reptiles aux poissons, des carnivores féroces aux
ovins doux, des animaux armés de redoutables armes d'attaque ou de défense aux
insectes qu'un rien suffit à détruire, des colosses qui habitent les forêts
vierges et contre qui aucun autre animal ne peut s'élever sauf leurs propres
semblables, à toutes les catégories d'arthropodes, jusqu'aux protozoaires et
bacilles: tous venus d'une seule et unique cellule? Et par génération
spontanée?
Si tel était le cas, la cellule serait plus grande que l'Infini. Pourquoi l'Infini,
Celui dont les attributs n'ont pas de mesure, a-t-il été occupé pendant six
jours (Gn 1), six étapes sidérales, pour faire la Création visible, en départageant l'œuvre
de cette création en six ordres de création ascensionnelle qui évoluait, elle
oui, vers des perfections toujours plus hautes? Non parce qu'il avait besoin
d'apprendre à créer toujours mieux, mais à cause de l'ordre qui règle toutes
ses divines opérations. Cet ordre aurait été violé car cela aurait eu pour effet de rendre
impossible la survie de la dernière créature à être créé: l'homme si l'homme
avait été créé au tout début, avant que la Terre ne soit constituée dans toutes
ses parties, pour être prête à le recevoir grâce à l'ordre établi dans ses eaux
et dans ses continents; avant que cette même Terre ne soit rendue confortable
par la création du firmament; avant qu'elle ne soit rendue lumineuse, belle,
fertile par le soleil bénéfique, la lune luisante et les innombrables étoiles;
avant qu'elle ne soit devenue la demeure, le réservoir, le jardin de l'homme
grâce aux créatures végétales et animales dont elle est recouverte et peuplée.
L'homme a été fait au sixième jour. En lui sont résumés les trois règnes de
la Création sensible et, merveilleuse vérité, en lui se trouve aussi la preuve
de son origine divine: l'âme spirituelle que Dieu a infuse dans la matière de
l'homme.
L'homme: véritable anneau de jonction entre la Terre et le Ciel, véritable
trait d'union entre le monde spirituel et le monde matériel, être où la matière
sert de tabernacle à l'esprit, être où l'esprit vivifie la matière non
seulement pour la vie mortelle, qui est limitée, mais aussi pour la vie
immortelle qui doit venir après la résurrection finale.
L'homme: créature en qui resplendit et demeure l'Esprit Créateur.
L'homme: merveille de la puissance de Dieu qui par son souffle, partie de
son Etre infini, pénètre et transforme la poussière en puissance d'homme, en
l'élevant à la condition de créature surnaturelle, de fils de Dieu par
participation de nature, devenue apte à se mettre en relation directe avec Dieu
et à comprendre l'Incompréhensible. L'homme devenu capable d'aimer et en droit
d'aimer Celui qui dépasse tout autre existant, à un point tel, que cet homme,
bloqué par un respect écrasant, ne serait même pas en mesure de désirer de
l'aimer sans le don du divin soutien.
L'homme: le triangle créé qui avec sa base de matière touche la Terre d'où
il a été tiré; avec ses facultés intellectuelles tend à monter vers la
connaissance de Celui à qui il ressemble; et avec sa partie la plus élevée,
l'esprit de l'esprit, la partie la plus choisie de l'âme, touche le Ciel et se
perd dans la contemplation de Dieu Charité, tandis que la Grâce, gratuitement
reçue, l'associe à Dieu, et la charité allumée par cette union avec Dieu le
divinise. Car "celui qui aime est né de Dieu" (1 Jn 4,7), et le privilège du
fils est de participer à la nature de son père. C'est donc dire que l'homme est l'image de
Dieu à cause de son âme divinisée par la Grâce, et ressemble à Dieu à cause de
la charité qui est rendue possible par cette même Grâce.
L'homme a donc été créé le sixième jour. Il a été créé complet, parfait en
chacune de ses parties matérielles et spirituelles, fait selon la Pensée divine
et selon la fin pour laquelle il avait été créé: aimer et servir son Dieu
pendant la vie terrestre, le connaître dans sa Vérité, et jouir enfin de Lui
dans l'autre vie, éternellement.
L'Homme unique a été créé, celui à partir de qui devait naître toute
l'Humanité, à commencer par la Femme, compagne de l'Homme, faite pour lui, et
qui avec lui aurait peuplé la Terre entière et dominé les autres créatures
inférieures. L'Homme unique a été créé, celui qui en tant que père aurait transmis à sa
descendance tout ce qu'il avait reçu: la vie, les sens, les facultés
matérielles, ainsi que l'immunité de toute souffrance, la raison,
l'intelligence, la science, l'intégrité, l'immortalité, et pour finir, le don
des dons: la Grâce.
La théorie évolutionniste qui s'appuie sur la conformation du squelette,
ainsi que sur la diversité des couleurs de la peau et celle des physionomies,
et qui par-là voudrait prouver ses propos erronés sur l'origine de l'homme,
n'est pas une théorie contre la vérité des origines de l'homme créature créée
par Dieu elle est en sa faveur. Car ce qui prouve l'existence d'un Créateur,
c'est justement la diversité des couleurs et des structures chez les
différentes espèces de créatures que lui, le Tout Puissant, a appelées à
l'existence.
Si cela s'applique au cas des créatures inférieures, à plus forte raison
cela s'applique à l'homme. A l'homme créé par Dieu, même si certaines
circonstances de vie, de climat, et aussi de corruption - c'est cela qui a
provoqué le déluge (Gn 7,17 - 8,14), et aussi, mais beaucoup plus tard, dans les prescriptions du Sinaï et
dans les malédictions de Moïse, des ordres et des menaces si sévères (Lv 18, 23; Dt 27, 21) - font qu'il présente
des aspects et des couleurs différentes selon les différentes races.
Tous savent, et l'expérience de la vie le prouve et le confirme continuellement,
qu'une impression violente peut provoquer des réactions imprévues sur l'embryon
d'une mère en gestation, à un point tel que celle-ci met au monde un petit
monstre qui rappelle dans ses formes l'objet qui a troublé la mère. On reconnaît aussi que
la longue insertion d'une personne de race aryenne au sein d'un peuple non
aryen produit des modifications plus ou moins accentuées dans les traits du
visage. Cette dernière finit par emprunter certains traits caractéristiques de
la race qui l'accueille. De même il est prouvé que des climats particuliers, ou
les caractéristiques spéciales d'un milieu ambiant, ont une influence sur la
croissance et le développement des membres du corps humain, et sur la couleur
de la peau.
Tout cela pour dire que les chimères sur lesquelles les partisans de
l'évolutionnisme voudraient construire l'édifice de leur présomption ne
soutiennent pas leur édifice mais en favorisent l'effondrement.
Dans le déluge ont péri les branches corrompues de l'humanité errante dans
les ténèbres par suite de la faute. Un seul rayon de l'étoile perdue le
souvenir de Dieu et de sa promesse parvenait encore à se frayer un chemin,
comme au travers d'un épais brouillard, jusqu'au petit nombre des justes.
Une fois les monstres détruits, l'Humanité préservée s'est multipliée à
partir de la race que Dieu avait reconnue comme juste, la race de Noé.
L'Humanité a donc été reconduite à son premier état, celui du premier homme,
dont la nature toujours constituée de matière et d'esprit, et restée telle même
après que la faute en eut dépouillé l'esprit de la Grâce divine et de
l'innocence.
Si l'homme eût été le produit final d'une évolution ayant des brutes pour
ancêtres, à quel moment et de quelle façon aurait-il reçu son âme? Est-il
possible que des brutes aient reçu avec leur vie d'animaux l'âme spirituelle?
L'âme immortelle? L'âme intelligente? L'âme libre? Cette simple pensée est un
blasphème. Et comment donc auraient-elles pu transmettre ce qu'elles n'avaient
pas? Et Dieu, serait-il allé jusqu'à se déshonorer Lui-même en plaçant l'âme
spirituelle, son souffle divin, dans un animal? Un animal si évolué qu'on
l'imagine, ne demeure-t-il pas toujours un animal? Le descendant d'une longue
série d'animaux? Même cette supposition est de nature à offenser le Seigneur.
Pour se donner un peuple de fils et donner ainsi expression à l'amour dont
il surabonde et recevoir l'amour dont il est assoiffé, Dieu a créé l'homme
directement avec un acte parfait de sa volonté, en une seule opération qui a eu
lieu le sixième jour de la création. Dieu alors a pris de la poussière et l'a
transformée en chair vivante et parfaite. Ensuite il lui a insufflé l'âme, une
âme adaptée à sa spéciale condition d'homme, fils adoptif de Dieu et héritier
du Ciel. Il ne s'agit pas ici de l'âme "que même les animaux ont dans des
narines" (Qo 3,19-21), et qui va disparaître avec la mort de l'animal. Il s'agit de l'âme
spirituelle qui, elle, est immortelle, qui survit à la mort du corps et
ranimera ce corps au son des trompettes du Jugement lors du triomphe du Verbe
incarné, Jésus Christ. Il ranimera ce même corps. Car il faut que les deux
natures qui ont vécu ensemble sur la Terre s'unissent à nouveau pour
l'éternité, dans la joie ou la douleur, selon les mérites qu'ensemble elles
auront acquis.
Voilà la vérité. Que vous l'acceptiez ou que vous la refusiez. Et même si
vous êtes nombreux à vouloir la refuser avec obstination, le jour viendra où
vous la connaîtrez parfaitement, où votre esprit en sera convaincu en un
instant, et vous réaliserez que pour avoir suivi l'orgueil et le mensonge vous
aurez perdu le Bien éternellement.
Il va de soi que ceux qui n'admettent pas que l'homme a été créé par Dieu,
n'arrivent pas à saisir la nature exacte de la Faute, le pourquoi de la
condamnation, les conséquences inhérentes à celle-ci et à celle-là. L'homme a
besoin de croire à la création telle que décrite. Cela lui est nécessaire pour
le rendre capable de se guider afin d'orienter toujours, s'il le veut, toutes
ses actions vers le but pour lequel il a été créé; but immédiat: aimer et
servir Dieu sur terre; but ultime: jouir au Ciel de sa présence.
Mais suivez-moi. Ma parole est lumineuse et simple parce que je suis Dieu.
Et Dieu, Sagesse infinie, sait s'adapter à l'ignorance et à la relativité de
ses petits. J'aime les petits, pourvu qu'ils soient humbles. Je leur dis:
"Venez vers moi, vous qui êtes petits, et je vous apprendrai la
Sagesse" (Pr 9,1-6).
L'épreuve
Lorsque l'homme s'est réveillé de son premier sommeil et a trouvé près de
lui la compagne de sa vie, il a senti que Dieu avait rendu total son bonheur.
Le bonheur d'Adam était déjà très grand, même avant. Car tout en lui, à
l'extérieur comme à l'intérieur, tout, avait été fait pour lui permettre de
jouir d'un bonheur complet, fait de santé et de sainteté. Les délices, c'est à
dire l'Eden, n'étaient pas seulement autour d'Adam, mais aussi au dedans de lui. Adam était entouré
d'un jardin peuplé de merveilles végétales, animales et marines, mais un jardin de beautés
spirituelles fleurissait aussi à l'intérieur de lui. C'était un jardin rempli
de vertus de tout genre, prêtes à mûrir en fruits de sainteté parfaite. Il y
avait l'arbre de la science, une science proportionnée à son état, et il y
avait celui de la vie surnaturelle: la Grâce. Il y avait aussi la source divine
aux eaux précieuses qui se départissaient en quatre branches et arrosaient
constamment les vertus de l'homme, les nourrissant abondamment en vue de leur
croissance glorieuse de sorte que l'homme devienne un miroir de Dieu toujours
plus fidèle.
En tant que créature naturelle, Adam jouissait de ce qu'il voyait: la
beauté d'un monde vierge, à peine sorti de la puissance créatrice de Dieu. Il
jouissait de ce qu'il pouvait: de son empire sur toutes les créatures
inférieures. Dieu avait disposé toute chose pour que l'homme soit bien servi.
Depuis le soleil jusqu'au moindre insecte, tout avait été conçu pour que tout
lui fût délice.
Comme créature surnaturelle, il jouissait c'était là une extase très suave
de la raison de la compréhension de l'Essence de Dieu, qui est l'Amour. Il
jouissait des rapports d'amour entre l'Immense qui se donnait et sa créature
qui l'aimait dans un état d'adoration. Cette capacité accordée à l'homme de
communiquer avec son Créateur est décrite dans la Genèse, de façon voilée, dans
la phrase: "Ayant entendu la voix de Dieu qui se promenait dans le jardin
d'Eden, dans la brise du soir" (Gn 3,8).
Même si les fils adoptifs de Dieu étaient déjà doués d'une science
proportionnée à leur état, le Père leur apprenait encore des choses, car
l'amour de Dieu est infini: après avoir donné, Dieu le Père désire donner
encore et encore. Et cela d'autant plus que la créature lui est plus fille.
Dieu se donne toujours à celui qui se donne avec générosité.
Alors donc que l'homme, à son réveil, a vu la femme qui lui ressemblait, il
a senti que son bonheur de créature était complet: il possédait le tout
humain et le Tout surhumain, l'Amour s'étant livré à l'amour humain.
La seule limite que Dieu avait fixée aux immenses possessions de l'homme
était l'interdiction de cueillir les fruits de l'Arbre de la Science du bien et
du mal. Vouloir cueillir de ce fruit inutile était sans raison, vu que l'homme
avait déjà la science qui lui était nécessaire, et qu'une mesure supérieure à
celle établie par Dieu ne pouvait que lui causer dommage.
Remarquez bien: Dieu n'interdit pas de cueillir les fruits de l'Arbre de la
Vie. L'homme en avait besoin pour vivre une vie saine et prolongée sur le plan
naturel, jusqu'au moment où Dieu, poussé par un désir plus vif de se dévoiler
totalement à son fils adoptif, aurait prononcé les paroles: "Mon fils,
monte à ma demeure; viens te plonger en ton Dieu"; ce qui aurait permis à
Adam de monter au Paradis céleste sans la souffrance de la mort.
L'Arbre de la Vie dont il est question au début et à la fin du Livre de la
Grande Révélation, la Bible (Gn 2, 9 et 3, 22; Ap 22, 2 et 14), représente le Verbe
Incarné dont le fruit, la Rédemption, a été suspendu au bois de la croix, ce
Jésus-Christ qui est Pain de Vie, Source d'Eau Vive, Grâce, et qui vous a rendu
la Vie avec sa Mort. Vous pouvez toujours manger et boire de ce Fruit pour
vivre la vie des justes et parvenir à la Vie éternelle.
Dieu n'interdit pas à Adam de toucher aux fruits de l'Arbre de la Vie. Il
interdit de toucher aux fruits inutiles de l'Arbre de la Science. En effet, un
surplus de savoir aurait réveillé l'orgueil chez l'homme, qui par la nouvelle
science acquise se croirait l'égal de Dieu. Il deviendrait assez sot pour se
croire capable de posséder cette science sans danger, ce qui aurait entraîné un
droit abusif à l'auto censure de ses propres actions, et la conviction de
pouvoir agir contre son devoir de filiale obéissance envers son Créateur vu la
supposée égalité désormais acquise sur le plan du savoir avec son Créateur avec
son Dieu qui lui avait amoureusement expliqué soit directement, soit par grâce
et la science infuse, ce qui est permis et ce qui est défendu.
La mesure donnée par Dieu est toujours la bonne. Celui qui en veut plus
manque de prudence, est intempérant, imprudent, irrévérent. Il blesse l'amour.
Celui qui s'arroge le droit de prendre ce qui ne lui est pas offert est un
voleur et un violent. Il blesse l'amour. Celui qui agit indépendamment de toute
Loi surnaturelle et naturelle est un rebelle. Il blesse l'amour.
Devant l'ordre donné par Dieu, les Premiers Parents auraient dû obéir sans
se poser trop de "pourquoi", dont le résultat est toujours le
naufrage de l'amour, de la foi et de l'espérance. Lorsque Dieu donne un ordre,
ou agit, il faut obéir et faire sa volonté, sans demander le pourquoi de ceci
et de cela. Tout ce que Dieu fait est bien fait, même si la créature, limitée
dans son savoir, n'arrive pas à s'en convaincre.
Pourquoi n'auraient-ils pas dû s'approcher de cet arbre, cueillir de ses
fruits et en manger? Inutile de le savoir. Ce qui est utile, c'est d'obéir,
rien d'autre. Se contenter du beaucoup qu'on a reçu. L'obéissance est amour
et respect, elle est la mesure de l'amour et du respect. Plus on aime et vénère
une personne, plus on lui obéit.
Ici, en l'occurrence, les ordres venaient de Dieu l'infiniment Grand,
l'infiniment Bon, le Bienfaiteur très généreux de l'homme, celui-ci aurait dû,
en signe de reconnaissance, lui donner non seulement "beaucoup"
d'amour, mais "tout" l'amour et toute l'adoration dont il était
capable. Il aurait dû lui donner toute son obéissance sans songer aux
raisons de la prohibition divine.
Les discussions présupposent le droit de juger par soi-même et de critiquer
les ordres ou les actions d'autrui. Juger n'est pas chose facile, et il est
rare que le jugement soit juste. Il ne l'est jamais lorsqu'on déclare inutile,
erroné ou injuste un ordre divin.
L'homme devait obéir. L'épreuve aurait prouvé en lui cette capacité d'obéissance.
La mesure de son amour et de sa révérence consistait dans la façon dont il
aurait ou n'aurait pas su obéir.
Le moyen
L'arbre et la pomme. Deux choses, menues, insignifiantes si on les compare
aux richesses de toutes sortes que Dieu avait accordées à l'homme.
Et quoi donc? Dieu s'était donné lui-même et il voudrait empêcher que l'on
touche à un fruit? Quoi donc? Il avait donné à la poussière la vie naturelle et
surnaturelle, il avait transmis à l'homme son propre souffle, et maintenant il
lui défendrait de cueillir un fruit? Quoi donc? Il avait créé l'homme roi de
toutes les créatures, lui avait accordé le statut de fils plutôt que celui de
son sujet, et maintenant il lui défendrait de manger un fruit?
A ceux qui ne savent pas réfléchir avec sagesse, cet épisode peut paraître
inexplicable, tel l'entêtement capricieux d'un bienfaiteur qui, après avoir
recouvert un mendiant de toutes sortes de richesses, lui défend par la suite de
ramasser un petit caillou perdu dans la poussière. Mais ce n'est pas ainsi.
La pomme n'était pas seulement une réalité: celle d'un fruit. La pomme
était aussi un symbole. Le symbole du droit divin et du devoir humain.
Ainsi, lorsque Dieu appelle des êtres, et les gratifie de ses dons
extraordinaires, les personnes gratifiées devraient toujours se rappeler que
c'est lui qui est Dieu, et que l'homme ne devrait jamais abuser des privilèges
qui lui sont accordés, même s'il se rend compte que Dieu l'aime de façon
extraordinaire. Pourtant, les élus qui savent surmonter cette épreuve sont peu
nombreux. Bon nombre d'entre eux en veulent plus par rapport à ce qu'ils ont
déjà reçu, et vont cueillir ce qui ne leur est pas donné. C'est ainsi qu'ils
trouvent le Serpent et ses fruits empoisonnés.
Faites attention, ô vous les élus! Rappelez-vous que dans votre jardin, si
bien rempli des dons du Très Haut, il y aura toujours un arbre pour vous mettre
à l'épreuve. C'est autour de cet arbre que l'Adversaire de Dieu, qui est aussi
le vôtre, tâche constamment de s'enrouler. Il est là pour essayer d'arracher à
Dieu un de ses instruments en vous séduisant par l'orgueil, l'avidité, la
rébellion. Ne touchez pas aux droits de Dieu. Ne piétinez pas la loi de votre devoir.
Jamais.
Les instruments de Dieu semblent être nombreux. Selon certains d'entre
vous, ces "voix" [ces envoyés] seraient même trop nombreuses. Eh bien
croyez, vous tous, théologiens ou simples fidèles, que ces instruments seraient
encore plus nombreux, des centaines de fois plus nombreux, si tous ceux qui
sont appelés par Dieu à ce genre de ministère particulier pouvaient vaincre la
tentation d'en prendre encore plus, s'ils savaient s'abstenir de cueillir ce
que Dieu n'a pas donné.
Pour tous les fidèles, le Décalogue, arbre de la science du Bien et du Mal,
est un test destiné à vérifier leur foi, leur amour, leur obéissance. Pour les
"voix" et les instruments extraordinaires, cet arbre est encore plus
attrayant, encore plus et mieux piégé par Satan. Plus le don est grand, plus
l'orgueil, l'avidité, la présomption de pouvoir se sauver quoi qu'il advienne,
sont faciles à surgir. Mais je vous dis, Moi, que celui qui reçoit
beaucoup a le devoir d'être plus parfait que les autres s'il veut éviter de
recevoir une plus grande condamnation. Celui qui aura peu reçu aura la
circonstance atténuante d'avoir peu reçu. Sa condamnation ne pourra pas être
aussi grave que celle réservée à celui qui a reçu beaucoup.
Voici une question que je voudrais prévenir: est-ce que l'arbre en question
portait à la fois des bons fruits et des mauvais?
Il n'était pas différent des autres. Il portait les mêmes fruits. Mais il
était l'arbre du bien et du mal. Il le devenait en fonction du comportement de
l'homme, pas tellement à l'égard de l'arbre, qu'à l'égard de l'ordre divin.
Obéir, c'est bien. Désobéir, c'est mal.
Dieu savait que Satan aurait approché l'arbre en question dans le but de
séduire. Dieu sait tout. Le mauvais fruit était la parole de Satan avalée par
Eve. Le danger d'approcher cet arbre était dans la désobéissance. A la science
pure que Dieu avait donnée, Satan a injecté sa malice impure, malice qui avait
bientôt fini par fermenter jusque dans la chair. Mais Satan, dans un premier
temps, a corrompu l'esprit: il l'a rendu rebelle. Dans un deuxième temps, il a
corrompu l'intelligence: il l'a rendue fourbe.
Oh, oui! Ils l'ont bien connue, après coup, la science du Bien et du Mal, car tout, même leur nouveau regard, qui leur a fait prendre conscience d'être nus, les avertissait de la perte du don de la Grâce et de la conséquente disparition de la vie surnaturelle qui jusque-là les avaient rendus heureux dans leur savoir innocent.
Oh, oui! Ils l'ont bien connue, après coup, la science du Bien et du Mal, car tout, même leur nouveau regard, qui leur a fait prendre conscience d'être nus, les avertissait de la perte du don de la Grâce et de la conséquente disparition de la vie surnaturelle qui jusque-là les avaient rendus heureux dans leur savoir innocent.
Nus! Dépouillés moins des vêtements corporels que des dons de Dieu.
Pauvres! Pauvres pour avoir voulu être comme Dieu. Morts! Morts pour avoir eu
peur de disparaître avec leur espèce s'ils n'avaient pas pris l'initiative
d'agir directement.
Le premier acte contre l'amour a été commis par l'orgueil, la
désobéissance, la méfiance, le doute, la rébellion et la concupiscence
spirituelle. En dernier, il a été achevé par la concupiscence de la chair. J'ai bien
dit: en dernier. Plusieurs pensent le contraire: que l'acte de concupiscence de
la chair ait été le premier. Non. Dieu est ordre en toutes choses.
Même dans ses rapports avec la loi divine, l'homme a péché premièrement
contre Dieu. Il a voulu être semblable à Dieu. Il a voulu être "dieu"
dans la connaissance du Bien et du Mal. Il a voulu une liberté d'agir absolue,
donc illicite. Il a voulu la liberté d'agir selon son bon vouloir et plaisir,
contre tout conseil ou prescription divine. Deuxièmement, il a péché contre
l'amour. Il s'est aimé de façon abusive, en niant à Dieu l'amour révérenciel
qui lui revient, en mettant son propre moi à la place de Dieu, et en témoignant
de la haine pour son prochain à venir: à sa propre race il a transmis l'héritage
de la faute et de la condamnation. En dernier lieu, il a péché contre sa
dignité de créature royale, créature qui avait reçu le don de la parfaite
maîtrise sur ses propres sens.
Le péché de la chair ne pouvait pas avoir lieu tant que l'état de Grâce et
les autres états conséquents étaient encore présents et actifs. Tant que
persistait l'innocence, et donc la domination de la raison sur les sens, la
tentation sensuelle aurait pu survenir, mais l'homme n'aurait pas consommé la
faute sensuelle.
Le châtiment
Il n'a pas été disproportionné, mais juste.
Pour comprendre ce châtiment, il faut prendre en considération la perfection d'Adam et Eve. Si on considère le sommet où Adam et Eve se trouvaient, on peut mesurer la profondeur de l'abîme dans lequel ils sont tombés.
Pour comprendre ce châtiment, il faut prendre en considération la perfection d'Adam et Eve. Si on considère le sommet où Adam et Eve se trouvaient, on peut mesurer la profondeur de l'abîme dans lequel ils sont tombés.
Si certains parmi vous étaient pris et placés par Dieu dans un nouvel Eden,
tels que vous êtes à l'état actuel, mais ayant reçu les mêmes ordres qu'avait
reçu Adam, croyez-vous que, vous rendant coupables de son péché, vous seriez
traités avec la même rigueur dont a été traité Adam? Non. Dieu est juste. Il
connaît le terrible héritage qui est en vous.
Les conséquences du péché originel ont été réparées par le Christ pour ce
qui est de la Grâce. Mais la faiblesse de la blessure qui a été infligée à votre
perfection originelle demeure. Cette faiblesse consiste en la présence en vous
de mauvais appétits, ou penchants, qui comme des germes d'infection latents,
mais présents, sont toujours prêts à se révolter en vous et à accabler votre
personne. Ils sont présents même chez les saints. Au fond, la sainteté n'est
autre chose que le fruit de la lutte continuelle que l'âme et la raison des
justes mènent contre les assauts de leurs mauvais penchants, et fruit de la
victoire qu'ils remportent dans l'effort de demeurer fidèles à l'Amour.
Aujourd'hui, Dieu, qui est infiniment juste, ne serait pas inexorable avec
personne de vous comme il le fut avec Adam.
Avec Adam, oui, il a été sévère, car Adam avait tout pour vaincre la
tentation, et la vaincre facilement. Mais dans le châtiment même, où l'on
voit que si l'homme prévaricateur n'a pas respecté les limites posées par Dieu,
Dieu, lui, a respecté les limites qu'il s'était fixées à l'égard de l'homme.
Dieu n'a pas violé le libre arbitre de l'homme. L'homme, par contre, a
violé les droits de Dieu. Dieu n'a pas violé la liberté d'action de l'homme, ni
avant, ni après la faute. Il avait soumis l'homme à une épreuve. Il savait,
étant Dieu, que l'homme ne l'aurait pas surmontée. Mais il était juste que
l'homme y fût soumis pour pouvoir être confirmé en grâce. Les anges, pour les
mêmes raisons, ont subi leur épreuve, et Dieu a confirmé en grâce ceux qui en
sont sortis victorieux. En soumettant l'homme à l'épreuve, Dieu, pour la même
fin, l'a laissé libre d'agir à sa guise.
Si Dieu eût voulu violer le libre vouloir de l'homme de se choisir une
destinée, dans ce cas ou il ne l'aurait pas soumis à l'épreuve, ou bien il lui
aurait lié les puissances du vouloir de façon à l'empêcher de mal agir. De
même, s'il eût voulu le récompenser à n'importe quel prix, il le pardonnerait à
l'avance, ou bien, pour avoir un prétexte pour lui pardonner, il aurait suscité
dans son cœur la contrition parfaite, ou alors, du moins, une forme
d'attrition, un regret des biens perdus. Ensuite, avec un rayon de son amour,
il aurait aidé l'homme à passer de cette attrition imparfaite, conçue pour les
biens perdus dans le présent et l'avenir, à une forme de contrition parfaite,
conçue pour l'offense faite à Dieu et pour la perte de sa Grâce et de sa Charité.
Dans tous ces cas, cependant, il y aurait eu injustice envers les anges,
qui ont été soumis à l'épreuve sans que la puissance de leur volonté ne soit
liée, sans pardon anticipé, et sans qu'aucun mouvement de contrition ou
d'attrition ne soit provoqué par Dieu pour justifier un pardon divin. Il faut
dire que pour les anges il était bien plus facile d'éviter le péché que pour
les hommes, et cela à cause de leurs dons de grâce et de nature (esprits sans
corps, libres du poids des sens), et aussi parce qu'ils étaient exempts des
pressions internes causées par les sens, et des pressions externes (causées par
le Serpent). En plus, ils avaient la connaissance de Dieu. Ils ont néanmoins
péché, sans la moindre circonstance atténuante qui pourrait dériver de l'ignorance
ou des stimulations sensuelles, par pure malice et par volonté sacrilège de
pécher. De toute façon il n'en fut rien, ni du côté de Dieu, ni du côté de
l'homme.
Dieu a respecté la volonté humaine. L'homme a persévéré dans son état de
révolte envers son divin Bienfaiteur. C'est avec orgueil qu'Adam est sorti du
jardin d'Eden, après avoir menti son pacte avec le Mensonge étant déjà avenu et après
avoir essayé de justifier son péché avec de pauvres excuses. Ce n'est pas parce
qu'ils étaient nus et ce n'est pas par honte de comparaître tels devant Celui
qui les avait créés et habillés seulement de grâce et d'innocence, qu'ils se
sont fait des ceintures de feuilles. Mais c'est parce que, se sentant
coupables, ils ont eu peur de comparaître devant Dieu.
La peur, oui. Le repentir, non. Raison pour laquelle, après les avoir
chassés de l'Eden, Dieu "plaça deux chérubins à la porte de ce paradis"
(Gn 3,24), de façon à empêcher les deux prévaricateurs d'y entrer à nouveau par
ruse, dans le but de profiter indûment des fruits de l'arbre de la vie, ce qui
aurait rendu vaine une partie du juste châtiment de Dieu, et dépossédé Dieu de
son droit: celui de donner la vie ou de la reprendre après l'avoir gardée
saine, heureuse et longue avec les fruits bienfaisants de l'arbre de la vie.
Ainsi le châtiment fut juste. Privation de ce que l'homme avait
spontanément méprisé: la Grâce, l'intégrité, l'immortalité, l'immunité, la
science. Perte subséquente de la charité paternelle de Dieu et de son soutien
puissant; faiblesse de l'âme blessée; fièvre de la chair réveillée qui délire
et la raison étouffée; peur de Dieu; perte de l'Eden où la vie coulait sans
peine ni souffrance; sans fatigue, ni mort, ni assujettissement de la femme à
l'homme, ni inimitiés entre les hommes, entre frères, entre fils de la même
mère; ni délits; ni abus; tous les maux qui tourmentent depuis l'humanité; la
peur de mourir et la peur du jugement; chagrin d'avoir engendré la douleur et
chagrin de la transmettre avec la vie même aux êtres les plus chers.
Conséquences
Le péché originel, en plus de la condamnation immédiate qu'il a provoquée
sur les personnes d'Adam et Eve, a eu des conséquences qui pèsent sur toute
l'Humanité, et qui dureront jusqu'à la fin du temps. Comme premier père de la
famille humaine, Adam a transmis son infirmité à tous ses descendants.
La même chose se produit lorsqu'un homme taré engendre des enfants. Les
germes de sa tare sont transférés d'une génération à l'autre. Même si, à l'aide
de médicaments appropriés, la virulence de ce germe héréditaire est réduit et
muée de façon à diminuer ses ravages, il reste que les descendants de cette
lignée ne peuvent pas être aussi parfaits que ceux qui sont engendrés par une
constitution parfaitement saine.
"Par l'œuvre d'un seul homme le péché est entré dans le monde".
Cela est écrit, et c'est la vérité (Rm 5,12).
Cette douleur, avant même d'être proclamée par Paul, elle l'a été par la
Sagesse, par l'enseignement du Verbe, et par les Psalmistes (Sg 2,24, He 1,1-3, Ps
6; 38; 51; 88). Il s'agit toujours de la voix de Dieu, car ces personnes ont été
inspirées par lui.
Cette douleur emplit le monde et se transmet de génération en génération.
Elle continuera de se transmettre ainsi jusqu'à la fin du monde. Elle a couvert
de son hurlement les lieux où Adam, laborieusement, à la sueur de son front,
tirait de la terre le pain de sa subsistance. Et ce cri s'est répandu sur toute
la terre. Les horizons, les vallées, les forêts, les animaux l'ont entendu et
se le sont répété en frissonnant. Ce cri a montré à Adam et Eve, comme dans une
lumière aveuglante, l'immensité de leur péché, commis non seulement contre Dieu
mais aussi contre leur propre chair et leur propre sang.
Jusque-là, le verdict de Dieu n'avait pas encore brisé la rébellion de
l'homme. Celui-ci, avec l'esprit d'adaptation de l'animal - car l'homme privé
de la Grâce n'est rien d'autre que le plus parfait des animaux - s'était vite
adapté à son nouveau destin. Même si ce nouveau destin n'était pas aussi facile
et joyeux que le premier, il n'était pas dépourvu de joies humaines qui
compensaient les douleurs.
La libido se satisfaisait dans l'union des deux chairs qui s'unissaient
pour n'en former qu'une. Fusion, oui, mais pas fusion sainte comme Dieu la
voulait, et comme l'homme innocent et rempli de science l'avait comprise dans
le jardin d'Eden. C'était dorénavant la joie de créer de nouvelles vies par soi-même
oh! L’orgueil persistant! Et de se croire pour cela semblables à Dieu Créateur.
C'était la joie de dominer les animaux. C'était la satisfaction des récoltes et
celle de se suffire à soi-même, sans se sentir obligé de remercier personne.
Joies sensuelles, mais joies tout de même.
Oh! Que d'obscurité de la fumée d'orgueil de ces deux insolents! Que
d'obscurité dans le brouillard de leurs concupiscences effrénées! Que
d'obstination!
La maternité se réalisait dans la douleur, mais la joie des enfants
compensait cette douleur.
La nourriture n'était pas facile à pourvoir, mais le ventre s'emplissait
quand même, et avec satisfaction, puisque la Terre était remplie de bonnes
choses.
La maladie et la mort étaient très loin, car les corps, créés parfaits,
jouissaient d'une santé et d'une virilité qui faisaient croire aux deux
arrogants que la vie était bien longue, sinon éternelle.
Et l'orgueil en fermentation suscitait la pensée railleuse: "Le
châtiment de Dieu? Où est-il? Nous sommes heureux même sans Dieu".
Mais un jour, l'herbe verte des champs, parsemée des fleurs que Dieu avait
créées, est apparue tachée du vermeil du premier sang versé sur la Terre. La mère
hurla sur le corps inerte du doux Abel (Gn 4,1-16), et le père a compris que ce n'était pas
par vaine menace que Dieu lui avait annoncé: "Tu retourneras à la terre
d'où tu es venu, car tu es poussière et tu redeviendras poussière" (Gn 3,19). C'est ainsi qu'Adam
mourut deux fois, la première à la mort de son fils car un père meurt dans la
mort de son fils et la deuxième, au moment de sa propre mort. Quant à Eve, elle
accoucha d'une douleur déchirante en rendant à la terre le corps inanimé de son
fils chéri. C'est là qu'elle comprit ce que c'est que d'accoucher dans le
péché.
Mais au moment même où le châtiment de Dieu frappait comme la foudre -
c'était encore de la miséricorde - l'orgueil mourut, et à sa place commença à
germer le repentir. C'était la nouvelle vie. Elle permit aux deux Coupables de
remonter le sentier escarpé de la Justice, et de mériter, après bonne expiation
et longue attente, le pardon de Dieu par les mérites du Christ.
Et de Marie. Oh! Laissez que je célèbre ici cette vérité sur l'Immaculée,
qui a été et qui est toujours à moi. Grâce à notre amour conjoint, elle a donné
au monde le Verbe qui s'est fait Chair: l'Emmanuel.
Par l'infidélité de la femme, le genre humain a connu le péché, la douleur,
la mort. Par la fidélité de la Femme, le genre humain a pu renaître à la Grâce,
et donc au pardon, à la joie pure, à la Vie.
Par la concupiscence, est venue la mort, toutes les morts. Par la pureté
d'une triple virginité de corps, de pensée, d'esprit est venue la Vie, la vraie
Vie, chez les justes ressuscités à la vie éternelle. Non seulement la vie de la
chair, mais aussi celle de la pensée enfin ouverte à la Vérité, et celle de
l'esprit enfin ressuscité à la Grâce.
Par le mariage avec Satan est entrée la haine fratricide et déicide. Par le
mariage avec Dieu est entré l'amour fraternel et l'amour spirituel: deux amours
qui embrassent Humanité et Divinité, qui se déversent sur l'une et sur l'autre,
qui se prodiguent pour l'une et pour l'autre. L'Amour incarné et l'Amour
virginal se sont offerts tous deux volontairement et totalement. Tous les deux
ont été consommés pour que Dieu soit consolé, et que l'homme soit sauvé.
La mort d'Abel a brisé l'orgueil d'Adam et rendu Eve experte de l'atrocité
que comporte le fait d'accoucher pour les Ténèbres. La mort du Christ a broyé
le Péché et montré à l'Humanité ce que coûte l'accouchement à la Grâce. Le
hurlement d'Eve correspond au cri émis par Marie à la mort de son Fils Très
Saint.
A ceux qui croient que Marie était au-dessus de la douleur parce que pleine
de Grâce, je dis qu’Eve, la coupable, n'a pas souffert la désolation que Marie
a soufferte dans son innocence. Si le rugissement d'Eve signa la naissance du
repentir, le cri de Marie signa, lui, la naissance de l'ère nouvelle. Et si
l'heure marquée par l'effusion du premier sang humain, répandu par violence
criminelle qui fait que la Terre a été maudite deux fois, a été le commencement
d'un retour vers la Justice, de façon analogue l'a été l'heure de none qui
marque l'effusion de la dernière goutte de Sang du Fils de Dieu. Par-là est
descendue des Cieux la Rédemption, comme un fleuve de salut, sortie des deux Cœurs
innocents et blessés du Fils et de la Mère.
La Vie que vous avez, vous l'avez eue non seulement par les mérites de
Jésus, mais aussi par les mérites de Marie. La Mère de la Vie, la Mère Vierge,
la pure et l'innocente, qui en mettant au monde son Jésus n'avait pas connu les
douleurs de l'accouchement selon la loi de la chair déchue a connu, et bien
connu, les souffrances de l'accouchement le plus douloureux, le vôtre, de celui
qui a permis à l'Humanité pécheresse de renaître à la nouvelle Vie de la Grâce.
A cause d'un seul homme l'humanité a connu la mort. Grâce à un seul Homme
elle connaît maintenant la Vie. Par Adam, l'Humanité a hérité du Péché et de
ses conséquences. Par Jésus, Fils de Dieu et de Marie, l'Humanité hérite à
nouveau la Grâce et ses conséquences.
Cette Grâce ne supprime pas, il est vrai, les conséquences terrestres de la
faute originelle car la douleur, la mort vous attristent et les appétits de la
chair persistent en vous, et vous dérangent, vous font peur, vous gardent dans
la lutte mais elle vous aide puissamment à supporter vos présentes douleurs,
dans l'espoir du Ciel à venir. Cette même Grâce vous aide à affronter la peur
de la mort, par la connaissance de la Miséricorde divine. Elle vous aide aussi
à vous opposer à la chair, à dompter ses appétits avec l'aide surnaturelle
obtenue par les mérites du Christ, et les Sacrements qu'il a institués.
J'avais dit: "La Grâce ne supprime pas les conséquences terrestres de la
Faute...". C'est là justement le point qui provoque la rébellion de plusieurs, qui
s'exclament: "Où est la justice dans tout cela? Le Rédempteur, ne pouvait-il
pas nous remettre la perfection dans son ensemble?".
Il était juste qu'il en fût ainsi. Tout ce que Dieu fait est juste.
L'homme n'a pas été blessé lors d'un affrontement avec Dieu, de façon à ce
que Dieu soit dans l'obligation de réparer lui-même les dommages causés
volontairement ou involontairement. L'homme s'est blessé par lui-même,
consciemment et volontairement. Lorsque, dans la vie de tous les jours, un
homme se blesse de façon tellement grave, qu'il s'en sort mutilé, taré, ou tout
au moins marqué de graves cicatrices, pas même le meilleur des médecins n'est
en mesure de tout réparer, ou de tout refaire, surtout lorsqu'il s'agit d'un
membre amputé.
Adam s'est amputé lui-même, et par lui-même, de la Grâce, de la vie
surnaturelle, de l'innocence, de l'intégrité, de l'immunité, de l'immortalité
et de la science. Comme chef de file de toute la famille humaine, il a transmis
sa pénible hérédité à toute sa descendance.
Mais l'Humanité, plus chanceuse que l'homme individuel, a pu obtenir sa
guérison par les mérites de Jésus, Rédempteur et Sauveur. Elle a reçu même davantage:
la "re création" dans la Grâce, qui est la vie de l'âme. A travers
les Sacrements que Jésus a institués, et les vertus transmises par ces
Sacrements, à travers aussi mes dons, il vous a obtenu les moyens qui vous font
grandir toujours plus dans la perfection. Cette perfection atteint son point
culminant avec la "super création", c'est à dire la sainteté.
Toutefois, même le Sacrifice de l'Homme Dieu, qui pourtant vous a remis les
dons perdus, et vous a fait remonter à l'ordre surnaturel c'est à dire à la
capacité de connaître, aimer et servir Dieu en cette vie, pour pouvoir ensuite
le posséder et jouir de sa présence au Paradis pour l'éternité pas même ce
Sacrifice, dis-je, n'a effacé les cicatrices des grandes blessures que l'homme
s'est infligées volontairement. Surtout la cicatrice de la triple
concupiscence, laquelle est toujours prête à s'ouvrir et à s'infecter à nouveau
si l'esprit ne veille pas pour tenir sous contrôle les passions mauvaises.
J'avais dit aussi: "La connaissance de la Miséricorde divine".
Oui. L'héritage de la Faute vous a obtenu le Rédempteur, mais aussi, le
dévoilement de la Miséricorde de Dieu, la révélation de sa charité, de sa
sagesse et de sa divine puissance.
L'homme, engendré à nouveau comme fils de Dieu grâce à Jésus, connaît ce
qu'Adam ne connaissait pas. Il connaît l'immensité de l'amour du Père, capable
de donner son Fils unique pour qu'il efface avec son Sang le décret de
condamnation de l'Humanité, déchue dans son Chef de file.
Adam en savait long sur l'amour que Dieu avait pour lui. Il le savait par
sa science infuse, mais surtout par la Grâce, qui en l'élevant à l'ordre
surnaturel, l'en avait rendu capable. Tout lui parlait de l'amour divin autour
de lui et à l'intérieur de lui. Par son élection à l'ordre surnaturel, Adam
savait beaucoup aimer. Il savait aimer selon la bonne mesure, celle que Dieu
avait jugée suffisante à le préparer durant la vie pour la vision béatifique
prévue pour après son passage de la Terre au Ciel. Cependant jamais, pas même
dans ses transports d'amour les plus ardents, Adam, l'innocent, n'a pu
atteindre par sa soif de connaître et d'aimer le centre de la vérité. Jamais il
n'a pu s'abîmer dans cette fournaise ardente d'Amour qui est aussi Vérité.
Jamais il n'avait pu posséder la connaissance totale de cette vérité qui
s'appelle Amour Infini.
L'homme qui vit sur Terre ne peut voir Dieu tel qu'il est. L'Homme Adam qui
venait d'être créé, et qui était riche de toutes sortes de dons, lui non plus
ne pouvait voir Dieu tel qu'il est. Tout lui faisait penser à Dieu. Tout lui
parlait de Dieu. Tout l'attirait vers Dieu. L'homme était tendrement aimé et
tout recouvert de dons qui l'aidaient à aimer. Mais entre l'homme et Dieu il y
a toujours un abîme. Au fait, ce sont
deux abîmes qui se regardent, où le Majeur attire le mineur. L'abîme majeur attire l'esprit de l'abîme mineur, étincelle devant lui et l'enrichit de ses feux de lumière. Dieu darde ses lumières sur l'esprit de l'homme comme pour une infusion continuelle de sagesse.
deux abîmes qui se regardent, où le Majeur attire le mineur. L'abîme majeur attire l'esprit de l'abîme mineur, étincelle devant lui et l'enrichit de ses feux de lumière. Dieu darde ses lumières sur l'esprit de l'homme comme pour une infusion continuelle de sagesse.
Pour l'homme, l'Amour divin est un geste d'invitation: le geste de deux
bras et d'un sein qui s'ouvrent et qui s'offrent pour l'étreinte béatifiante.
L'amour humain lui donne des ailes pour oublier la Terre et se lancer vers le
Ciel, vers Dieu qui l'appelle. Mais une loi de justice veut que la rencontre
totale, la fusion, ait lieu seulement après l'épreuve qui confirme l'homme dans
la grâce.
De sorte que, plus l'homme monte vers Dieu, plus Dieu se retire et fuit
dans son abîme sans fin. Ce n'est pas cruauté de la part de Dieu, mais pour
garder active la volonté que l'homme a de le rejoindre, et pour creuser ainsi
en lui une plus grande capacité à être comblée par les fruits de la Grâce,
c'est à dire par Dieu lui-même. En effet, plus l'homme avance activement,
inlassablement, intensément vers Dieu, plus il devient apte à recevoir et à
posséder Dieu et sa très sainte Grâce.
Or j'ai parlé au temps présent. Car telle est toujours la condition de
l'homme face à l'immensité divine, incompréhensible pour l'intelligence de la
créature. Même les plus grands contemplatifs ne sont pas parvenus à la
connaissance de l'Inconnaissable de leur vivant. Ici les noms de Jean et Paul,
deux apôtres déjà rachetés par le Christ, pour qui le Ciel s'est ouvert
jusqu'au troisième et jusqu'au septième degré (Ap 12,1; 2 Co 12,2). Et aussi Moïse,
Ezéchiel, Daniel, qui ont vu respectivement "le dos de Dieu" (Ex 33,18-23), "la lumière
laissée par la Lumière infinie", "l'Etre d'apparence humaine"
mais qui était "feu d'electre" (Ez 1,25-28) et "voix qui se faisait entendre au-dessus
du firmament" (Dn 7,9-10), "l'Ancien des jours, dont le visage était voilé par le fleuve de feu
qui coulait rapidement devant lui" et qui laissait voir seulement ses
cheveux et ses vêtements. Aussi longtemps que Jean et Paul ont été parmi les
mortels, ils n'ont pas été admis à la connaissance de l'Inconnaissable. Les
trois autres ont dû attendre que la Rédemption soit accomplie, avant de pouvoir
y accéder.
Mais telle était surtout la condition d'Adam, élevé à l'ordre surnaturel.
Adam était doué, comme vous, rendus et fidèles à la grâce, d'une intelligence
spirituelle capable de se rapprocher beaucoup de la Vérité de Dieu, mais non
pas de connaître le Mystère de Dieu.
C'est seulement par Jésus que l'homme a pu pénétrer plus loin oh, combien
plus loin! Franchir les distances, soulever les voiles, s'approcher de l'ardeur
du Foyer Un et Trine, et connaître l'immensité de l'Amour avec une profondeur
restée inconnue à Adam.
Inconnue par mesure de protection. Dieu a voulu éviter à Adam le risque de
répéter le péché de Lucifer, devenu Satan pour avoir nié l'adoration à l'Amour
fait chair. Il a évité de lui demander d'adorer le Verbe, incarné par amour et
par l'œuvre de l'Amour. Si Dieu eût proposé le futur Christ à Adam, Adam aurait
peut être refusé lui aussi d'adorer le futur Christ, vraie Synthèse de l'Amour
trinitaire. Car Lucifer a prétendu orgueilleusement de pouvoir lui-même
racheter l'homme, en jugeant que sa propre ressemblance avec Dieu était non pas
une participation de nature, mais croyait il substantielle, donc le rendant
l'égal de Dieu en savoir, en puissance et en beauté. Il a ainsi offensé
gravement l'Esprit Saint, dispensateur des lumières, des vérités et de la
sagesse qui se trouvent en Dieu. Or les péchés contre l'Esprit Saint, qui ont été
commis par Lucifer et par ses compagnons rebelles, comme ils sont encore commis
par beaucoup d'hommes, ces péchés ne sont pas pardonnés (Mt 12,30-32; Mc
3,28-30; Lc 12,8-2; He 6,1-8; 10,26-31; 1 Jn 5,14-17).
Dieu voulait pardonner à l'homme. C'est pour cela qu'il lui a proposé le
test de l'obéissance. Mais il lui a épargné l'épreuve de l'adoration du Verbe
fait Homme, afin de lui éviter le péché impardonnable. Aussi bien celui de
jalouser le Christ, que celui de la présomption de pouvoir se sauver et de
pouvoir sauver sans passer par le Christ. Ou enfin celui de rejeter comme
impossible la vérité qui vous est connue, à savoir, que l'Incréé pourrait se
faire "créé" en naissant de la femme, que l'Esprit très Pur, qui est
Dieu, pourrait se faire homme en assumant la chair humaine.
Mais vous, non. Vous qui avez été rachetés par le Christ, qui êtes arrivés
après la venue du Christ, et surtout après le sacrifice du Christ, vous
connaissez tout de l'amour de Dieu. Vous savez tout cela, car le Christ vous a
révélé cet amour infini. Il vous l'a dévoilé et expliqué par sa propre
Personne, ainsi qu'avec sa parole, son exemple et ses actions.
Vous regardez le Christ bébé qui pleure dans une grotte, et vous n'en êtes
pas effrayés. Son indigence même attire votre faiblesse spirituelle, qui ne se
sent ni découragée ni effrayée devant l'Enfant Dieu. Ce Dieu qui s'est
tellement anéanti, lui l'Immense, dans ses petits membres, lui, le Tout
Puissant, dans des membres qui avaient besoin de tous les secours car,
incapables de prendre soin de son organisme.
Vous regardez le Christ enfant, et vous n'en êtes pas effrayés. Sa sagesse
est douce. En peu de mots, il vous indique la voie pour vous rendre avec
sécurité à la Maison du Père: "S'occuper de ce que Dieu veut, de ce qui
lui revient" (Lc 2,41-52). Toute la Loi est condensée dans cette phrase brève mais tellement riche
en sagesse. Il vous dit, en s'adressant à ceux qui représentent l'humanité
choisie, si chère au Seigneur: "Ne savez-vous pas qu'il faut faire ceci,
seulement ceci, ceci au-dessus de tout le reste, qu'il faut mettre cet amour au-dessus
de tout autre amour, pour avoir une place au Ciel?".
Le Christ Maître est déjà tout présent dans les paroles brèves qu'il
adresse à Marthe: "Tu t'occupes de trop de choses; une seule est
nécessaire" (Lc 10,38-42), et lorsqu'il dit au disciple encore trop attaché aux choses de ce monde:
"Laisse les morts enterrer les morts" (Mt 8,21-22; Lc 9,59-60), et aussi: "Celui
qui, après avoir mis la main à la charrue, se retourne pour regarder en arrière,
n'est pas apte au Royaume de Dieu" (Lc 9,61-62).
Le Christ qui aime sa Mère avec perfection, ne la fait pas passer avant sa
mission. Il dit clairement que "sa mère et sa famille sont ceux qui font
la volonté de Dieu", et il en donne l'exemple le premier, car l'amour
envers Dieu est, comme cela se doit, toujours le plus grand par rapport aux
autres amours, tous, y compris celui de la Mère très sainte (Mt 12,46-50; Mc
3,31-35; Lc 8,19-21).
Le Christ, c'est bien lui encore qui repousse Pierre, en l'appelant
"Satan" parce que celui-ci le tente à ne pas faire la volonté du Père (Mt 16,21-23, Mc
8,31-33). Et puis le Christ des Béatitudes. Présent dans la dernière:
"Bienheureux ceux qui mettent en pratique la parole de Dieu". Il
s'agit encore de la Loi (Mt 5-7, Lc 6,20-49; Lc 11,27-28).
Le Christ, le voilà lorsqu'il apprend à Nicodème comment le vieil homme,
l'homme déchu par l'héritage d'Adam, peut connaître la régénération et voir le
Royaume de Dieu "en renaissant à la vie par l'eau et le Saint Esprit"
(Jn 3,1-8). L'eau vous est donnée par le Christ lui-même, l'Esprit Saint vous vient
de l'amour. L'amour, c'est faire la volonté de Dieu: pour ce qui concerne tous,
c'est obéir à sa Loi; pour ce qui concerne chacun, c'est d'obéir à ses décrets
particuliers.
Le Christ est là, qui enseigne la religion vraie, celle qui mérite la
récompense de la divine Justice: "Je ne cherche pas ma volonté, mais la
volonté de Celui qui m'a envoyé" (Jn 5,30; 6,38-40).
Le Christ vous donne Dieu de façon à ce que vous puissiez l'aimer selon
votre manière sensible: "Jusqu'ici, jamais vous n'avez entendu la voix de
Dieu, ni vu son visage. Alors me voici. Je suis celui sur lequel Dieu a imprimé
son sceau. Celui qui me voit, voit celui qui m'a envoyé. Celui qui m'écoute,
écoute le Père. Je n'ai pas parlé en mon nom. J'ai dit ce que le Père m'a dit
de vous dire" (Jn 14,9-10). Il vous dévoile l'amour du Père, ce Père qui, à partir de la faute
d'Adam, trouve moyen de vous encourager à un plus grand amour, une connaissance
plus exacte de lui, une union plus étroite: "La volonté de mon Père est
que vous me connaissiez pour celui que je suis: Dieu" (Jn 8,9).
Le Christ, entendez le qui proclame: "Je ne fais rien en mon nom. Je
dis et je fais ce que mon Père veut. Je fais toujours ce qui lui plaît" (Jn 8,29).
Voyez le Christ Bon Pasteur lorsqu'il dévoile le vrai pourquoi du grand
amour que le Père a pour lui: "Le Père m'aime: parce que je donne ma vie
volontairement pour que vous soyez sauvés. C'est cela le désir de mon Père, que
vous soyez sauvés" (Jn 10,17).
Entendez le Christ lorsqu'il dit, à la veille de sa Passion: "Mon Père
m'a envoyé, et m'a prescrit ce que je dois dire et faire. Je sais que son
commandement est la vie éternelle" (Jn 17,3).
Le Christ, c'est lui qui absout Pilate quand il lui dit: "Tu n'aurais
sur moi aucun pouvoir si ce pouvoir ne te fût donné d'en haut. Pour cela, celui
qui m'a livré entre tes mains est plus coupable de ma mort que toi" (Jn 19,11). Mais en réalité celui
qui l'abandonnait aux mains des autorités, dans une divine folie d'amour pour
l'homme, c'était son Père, le Dieu infini devant qui le Fils dit son oraison
parfaite: "Que ta Volonté soit faite, et non la mienne. Que ta Volonté
soit faite sur la Terre comme au Ciel" (Lc 22,42; Mt 6,10). C'est Dieu le Père qui
permet aux autorités de la Terre de jouer leur rôle le temps qu'il faut, après
quoi ni la force des armes, ni aucune autre force ne peut les garder au poste
de commande.
Oh! Le Christ qui obéit à partir de sa naissance jusqu'à sa mort! Le Christ
qui dit "Oui" avec son premier vagissement, et "Oui" avec
sa dernière parole au sommet du Golgotha. Il est le Verbe du "Oui"
éternel à son Père. Il ne fait jamais peur, il n'effraye pas avec sa loi, il
vous donne l'exemple qui montre que cette loi peut être suivie par l'homme, vu
que lui l'Homme l'a suivie avant même de vous la montrer. Ce Dieu Homme qui se
livre à la mort, aux ennemis, aux insultes, à la fatigue, à la pauvreté, à la
chair ce n'est pas par erreur que J'ai placé la mort en premier et la chair en
dernier, mais parce qu'il a été plus facile pour le Sauveur d'accepter la mort,
que pour le Verbe Dieu d'accepter de se renfermer dans une chair vous donne, ô
hommes, la connaissance de ce qu'est le Dieu Amour.
Ce Père très divin, qui sacrifie son Fils bien aimé, vous donne la mesure
de l'amour de Dieu pour vous.
On a dit: "Il n'y a pas d'amour plus grand que l'amour de celui qui
donne sa vie pour ses amis" (Jn 15,13). Mais on devrait dire aussi qu'il y a un
amour encore plus grand: C'est l'amour du Père qui sacrifie son vrai et unique
Fils pour sauver la vie de ses enfants adoptifs qui, tels de vrais enfants
prodigues, ont volontairement abandonné la maison paternelle, se sont rendus
malheureux et ont fait souffrir le Père (Lc 15,11-32).
Voilà de quel amour Dieu vous a aimés. Il a sacrifié son Fils Unique pour
sauver l'Humanité coupable, cette Humanité qui, de même qu'au commencement des
jours, lorsqu'elle jouissait du beaucoup qu'elle avait reçu de Dieu gratuitement,
n'a pas su lui témoigner ni reconnaissance, ni obéissance, ni amour.
Pareillement aujourd'hui elle ne lui témoigne ni reconnaissance, ni obéissance,
ni amour, même si depuis vingt siècles elle reçoit plus que beaucoup, car elle
reçoit le Tout, l'Immense, Dieu s'étant livré lui-même dans sa Deuxième
Personne.
Après avoir médité tout cela, il est doux de conclure que même si le
châtiment a été grand, sans toutefois être injuste, la Miséricorde a été encore
plus grande, infiniment plus grande que le châtiment. En plus de vous rendre
les dons, dont Adam vous avait fraudés, de vous les rendre au prix de sa
Douleur, de son Sang et de sa Mort sur la croix, cette Miséricorde se donne elle-même
à vous dans la Sainte Eucharistie. Elle met à votre disposition les eaux de la
Vie dont elle est la source, une source qui jaillit et monte jusqu'au Ciel.
Elle vous donne sa douce Loi d'amour, son exemple, son Humanité, sa Divinité,
son Esprit Saint. Son Humanité vous est donnée pour que, grâce à elle, il soit
plus facile à votre humanité de l'aimer. Sa Divinité vous est donnée pour que,
grâce à elle, son Père entende vos prières comme si elles sortaient de la
bouche même de son Fils bien aimé qui habite en vous. Son Esprit Saint-vous est
donné pour que, grâce à ses dons, les vertus infuses au Baptême soient
puissamment aidées à se développer et se perfectionner. Ces dons aident
puissamment le chrétien à vivre sa vie chrétienne, c'est à dire sa vie
divinisée, sa vie de fils de Dieu. Même si ces dons n'effacent pas vos mauvais
penchants, ils vous transmettent néanmoins la force de les contrôler, de sorte
que pour vous, ces penchants qui sont un mal, deviennent un "bien".
C'est à dire héroïsme, moyen de victoire, couronne et habit de gloire.
Comme pour Paul, la vie de chacun de vous est une
lutte intérieure entre la chair et l'esprit, entre le désir du Bien et l'action
pas toujours parfaitement bonne. Lutte dans laquelle Dieu vous aide et vous
réconforte. Ceci dit, que personne ne se scandalise si l'un ou l'autre de ses
frères avoue en paroles ou par actions, d'être comme Paul: "charnel, sujet
à la chair". Et que personne ne se décourage s'il découvre être lui-même
sujet à la chair. Que l'exemple de Paul vous serve de guide et vous
soutienne"