(Méditation préparée par le Père François en commun avec le Père Bruno)
En vue de son dernier repas, Jésus envoie ses disciples faire les préparatifs. Ce moment est raconté
dans l’évangile que nous lisons aujourd’hui. Jésus envoie deux disciples rencontrer le propriétaire
d’une maison. Ils doivent lui transmettre un message : « Le maître te fait dire : ‘‘mon temps est
proche ; c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples.’’ » Nous ne connaissons pas
l’homme à qui Jésus adresse ce message. Si c’est un disciple du Christ, il a dû être profondément
heureux de l’accueillir pour un moment aussi extraordinaire. Puisque nous ne connaissons pas le
nom de cet homme chez qui Jésus veut célébrer la Pâque, nous pouvons penser que c’est chacun
d’entre nous.
Aujourd’hui, au premier jour de la semaine sainte, c’est à moi, c’est à nous que Jésus
dit : « Mon temps est proche ; c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples. »
« C’est chez toi que je veux célébrer la Pâque ». Cette phrase nous rejoint au moment où chacun de
nous va devoir célébrer la fête de Pâques chez lui, à la maison. Il nous sera impossible de nous
retrouver dans notre maison commune, l’église de notre quartier. Chacun chez soi... mais Dieu pour
tous ! Jésus veut célébrer la fête chez nous, avec nous, en notre compagnie. Nous pourrions croire
que notre carême a été bouleversé par l’épidémie et le confinement, mais c’est le contraire : notre
vrai carême, c’est cette épreuve-là. Notre vraie conversion, ce n’est pas d’avoir mangé un peu moins
de chocolat... mais c’est d’avoir fait de notre mieux pour veiller sur les autres et pour traverser cette
épreuve. Alors, même si nous ne nous sentons pas « prêts » parce que nous n’avons pas pu vivre les
étapes ordinaires du carême, soyons sûrs que l’actualité nous a préparés. Oui, c’est « chez nous »
que Jésus vient vivre Pâques.
« C’est chez toi que je veux célébrer la Pâque ». Jésus a pris sur lui l’angoisse, la souffrance et la mort humaine, sans jamais faire semblant. Souvenons-nous de nos propres passages par la souffrance, par la maladie, par la misère, par le deuil. Le fait que Jésus veuille célébrer la Pâque chez nous, signifie qu’il vient cheminer à travers nos propres douleurs. Quelle erreur de penser que notre foi est
déconnectée de notre quotidien ! C’est tout le contraire : dans nos épreuves, Jésus vient vivre sa
Pâque chez nous. Il prend le chemin qui traverse notre peur, notre maladie, notre péché, notre
misère... et il nous emmène vers le relèvement. Oui, c’est « chez nous » que Jésus vient vivre Pâques.
« C’est chez toi que je veux célébrer la Pâque ». Dans cette célébration de la Pâque, Jésus s’engage
tout entier. Il engage son corps, son sang, toute sa personne, jusqu’à accueillir la mort en remettant
sa vie dans les mains du Père. En effet, rien n’arrête l’amour de Jésus : ni l’injustice, car il continue à
dire la vérité ; ni la haine, car il pardonne à ceux qui lui veulent du mal ; ni même la mort, car l’amour du Père lui rend la vie. C’est pourquoi cette semaine sainte qui commence au milieu des épreuves nous invite à accueillir une grande espérance : celle de l’amour qui traverse tout, même le pire.
Pâques, cette année, c’est une manière de traverser cette épidémie, en faisant le choix d’un amour
qui nous engage. L’amour qui a la force de prendre des risques pour soigner ; l’amour qui se dévoue
pour les proches avec qui l’on est confiné ; l’amour délicat qui soutient des voisins isolés ; l’amour
clairvoyant qui connaît les misères et les souffrances des autres ; l’amour capable de faire confiance.
Quand Jésus annonce qu’il vient célébrer Pâques « chez nous », cela signifie qu’il veut nous emmener dans son amour qui traverse tout. Jésus vient nous chercher avec tous nos égoïsmes, nos peurs et nos reculs, et il nous emmène dans sa manière d’aimer. Sa résurrection nous apprend que cette manière d’aimer ne conduit pas à la mort, mais à la vraie vie. Oui, c’est « chez nous » que Jésus vient vivre Pâques.
« C’est chez toi que je veux célébrer la Pâque ». Cette phrase de Jésus ne désigne pas seulement une
célébration à la maison : elle invite à un nouvel aménagement de notre maison intérieure. Pour que
la Pâque de Jésus nous renouvelle, nous pouvons dire et méditer la prière de bénédiction qui est
prononcée lors de la messe du dimanche des Rameaux :
Dieu notre Père, Père de toute miséricorde, dans la passion de ton Fils, tu nous as donné la
plus belle preuve de ton amour. Aide-nous maintenant à découvrir, en nous mettant à ton
service et à celui de nos frères et sœurs, jusqu’où va le don de ta grâce. Et, après avoir suivi
Jésus dans les épreuves, puissions-nous entrer avec lui dans sa gloire de ressuscité. Amen.
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